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The Great – Tony McNamara

Il vous faudra vous accrocher lorsque vous visionnerez « The Great », série portant sur l’ascenscion de l’impératrice de Russie, Catherine II. Le premier contact avec cette production signée Tony McNamara peut s’avérer assez désarçonnant. Le spectateur est au début un peu pantois, à l’image de la jeune Catherine, fraichement débarquée d’Allemagne, qui découvre avec stupeur son époux, l’empereur Pierre III et la cour de Russie. Première recommendation : faire fi des anacronismes dont cette création est truffée. Ces inexactitudes historiques sont pleinement assumées par la série, qui se présente à chaque début d’épisode comme « occasionnellement vraie ». Moins de véracité mais plus de liberté pour dresser une satire du pouvoir mordante et savoureuse. « The Great » ne fait pas en effet dans la dentelle, qu’elle relègue aux costumes, lorsqu’il s’agit de montrer la violence sous toutes ses coutures. L’humour vient fort heureusement la contrebalancer. Une composition qui n’est pas sans rappeler le film « La Favorite », également scenarisé par Tony McNamara, et qu’il faut savoir apprivoiser afin d’apprécier cette série à sa juste valeur.

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« The Great » réussit à se démarquer des autres biopics sur Catherine II en la portraiturant d’une manière originale et résolument moderne. Un anticonformisme qui était déjà latent dans le parcours exceptionnel de l’impératrice : Mariée à Pierre III à l’âge de 15 ans en 1745, elle réussie à le détroner en 1762 en obtenant le soutien de la garde impériale. Durant ses 34 ans au pouvoir, elle s’évertue à moderniser et étendre la Russie, devenant « La Grande impératrice ». Elle est à ce jour la souveraine russe au règne le plus long.

Elle est incarnée à l’écran par l’excellente Elle Fanning. L’actrice ose tout et nous offre une performance à la hauteur de ce personnage hors norme. Au début jeune femme juvénile et naïve, l’impératrice comprend très rapidement la nécessité de renverser son mari afin de répondre à son destin. Il faut dire que la folie de Pierre III ne semble pas avoir de limites. Nicholas Hoult interprète brilliamment et avec un plaisir non dissimulé, ce desposte égocentrique en manque d’amour dont les actes de cruauté sont légion, et s’accompagnent toujours d’un juron. La cour de Russie est quant à elle tout naturellement à l’image de son dirigeant :  cruelle et dépravée, elle donne néanmoins lieu à des plans d’une grande beauté.

 

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C’est dans cet environnement décatent mais non dénué d’humour que Catherine apprend, souvent à ses dépens, la politique et la guerre, en ayant toujours comme fil directeur les idéaux voltairiens qu’elle affectionne. Le putsch en ligne de mire, la jeune femme s’endurcit, devenant plus résolue et autoritaire au fil des épisodes, délaissant l’idéalisme au profit du machiavélisme. Une évolution qui capte notre intérêt. Usant de son intelligence, l’impératrice manipule subtilement son mari afin de conduire la Russie sur le chemin du progrès. Loin du statut d’épouse soumise qu’il lui était promis à la cour, Catherine II version Elle Fanning, prône au contraire un certain féminisme, qu’elle laisse entrevoir à travers ses actes et des répliques cinglantes comme lorsque qu’elle répond à la suite d’une tentative de viol sur sa personne : « S’ils inventent un jour autre chose que les boutons, on est toutes dans la merde. » Ambitieuse, impertinente et manipulatrice, Catherine II est définitivement « The Great ».

Cette série est disponible sur la plateforme Hulu

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Poldark – Debbie Horsfield

Cornouailles, fin XVIIIe. Le Capitaine Ross Poldark revient sur ses terres après s’être engagé dans la guerre d’indépendance, impatient de retrouver sa promise, Elizabeth. Mais beaucoup de choses ont changé durant son absence : son père est décédé, laissant la propriété et la mine familiales à l’abandon, tandis qu’Elizabeth, persuadée de la mort de son bien-aimé, a épousé le cousin de ce dernier, Francis Poldark. Loin de se laisser aller au désespoir, Ross entreprend la reconstruction, pierre par pierre, de son héritage déclinant. Un projet qui ne sera pas sans rebondissement et où il n’aura de cesse de démontrer son hardiesse et sa profonde humanité.


Je me suis lancée dans cette série, inspirée des romans de Winston Graham, un peu par hasard, attirée par cette époque que je savoure continuellement à travers mes lectures, et cette promesse de romance mêlée à des péripéties. Une promesse largement tenue. La série est une véritable immersion dans les moeurs anglaises de la fin du XVIIIe siècle. Les convenances sociales, la lutte des classes et les manigances portent le récit, qui reste fluide et captivant durant cinq saisons, malgré certaines répétitions. On retrouve aussi, au fil des épisodes, les grandes problématiques de ce siècle, comme la crise du marché du minerai, la famine et la guerre contre Napoléon Bonaparte. Ce pan historique, s’allie avantageusement avec la romance. Cette dernière, loin d’être un prétexte à la niaiserie, reste ancrée dans le réel. L’amour se voit en effet souvent contrarié, malmené et ne triomphe pas toujours. Seul romantique triomphant, les paysages de Cornouailles, régulièrement mis en valeur en plan large, qui sont d’une beauté à couper le souffle, rappelant les peintures de Caspar David Friedrich (Le voyageur contemplant une mer de nuages).

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Le jeu des personnages est quant à lui juste et convaincant. Aidan Turner (Le Hobbit) incarne à la perfection le personnage de Ross Poldark, inflexible dans son honneur et sa droiture, animé par sa fougue et sa colère. Le jeu d’Eleanor Tomlinson (Alice au pays des Merveilles), incarnant Demelza, est également remarquable. Son personnage, qui figure l’ascension sociale, se différencie des autres femmes de la série, par son appartenance à la classe ouvrière, qui lui confère une grande indépendance ainsi que par sa complémentarité avec son époux. Les autres personnages de la série restent dans la même lignée, devevant plus complexes saison après saison et proposant, par leur diversité, une véritable fresque historique.

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La série Poldark est donc en somme une belle réussite, qui s’inscrit dans la longue tradition des productions anglaises, en costumes d’époque.

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Modern love – John Carney

Modern love est une rubrique du New-York Times lancée en 2004. Journalistes, auteurs ou inconnus racontent au sein de cet espace de papier leur histoire d’amour.  Depuis sa création la rubrique a accueilli plus de 800 récits. Déclinée en podcast en 2016, elle est aujourd’hui adaptée en série par Amazon Prime Vidéo. Huit articles ont été sélectionnés pour constituer les épisodes.


Romance new-yorkaise 

Le décor new-yorkais de ces chroniques est idyllique. On retrouve tous les incontournables de la comédie romantique tels que les rencontres au coffee shop du coin de la rue, les ballades au parc ou encore les belles demeures américaines. Ces lieux favorisent les échanges autour de la thématique de l’Amour. Délaissé ou inexploré, platonique ou éternel, le sentiment amoureux se révèle multiple et suscite de nombreuses réflexions.

Dès le premier épisode, l’univers poétique de la série nous étreint. When the Doorman is your main man (Quand le portier est votre meilleur ami) raconte l’histoire d’amitié touchante entre Maggie, jeune critique littéraire, et Guzmin, le portier de son immeuble.  Cette très belle introduction est portée par un duo de protagonistes attendrissant. La relation quasi paternelle qu’entretient Maggie avec Guzmin a quelque chose de romanesque. L’amour entre les personnages s’exprime avec retenue, ce qui le rend sincère et touchant. 

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L’amour se conjugue au présent

Pour autant, cette ambiance un peu mièvre ne porte aucun préjudice à la série. Derrière l’apparente légèreté de l’ensemble, se cache en effet la modernité qui donne son nom à cette création. Les sujets traités sont bien ancrés dans le présent :

Le deuxième épisode met en scène un jeune créateur d’une application de rencontres, qui se confie auprès d’une journaliste sur sa rupture. L’intrigue met en contraste l’amour inoubliable qui bouleverse une vie, avec les systèmes algorithmiques qui provoquent les rencontres aujourd’hui.

« Take me as I am, whoever I am » (Prenez-moi comme je suis, qui que je sois), troisième histoire de cette anthologie a pour sujet la bipolarité. Lexi, jouée par l’incroyable Anne Hathaway, est atteinte par cette maladie, qu’elle cache au reste du monde. Cette double personnalité rend presque impossible les rencontres amoureuses. La jeune femme est tiraillée entre les moments d’euphorie, où elle évolue dans une comédie musicale et les moments où elle s’enfonce dans la dépression. La mise en scène de John Carney illustre à la perfection cette dualité.

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La série met également en lumière les difficultés rencontrées par un couple d’homosexuels pour devenir parents (« Hers was a world of on »). Le scénario montre les différentes étapes de cette quête : la décision du moyen de conception, le bloc de papiers administratifs, les refus à répétition puis enfin la rencontre avec la mère porteuse. C’est sur la relation avec cette dernière que se concentre l’épisode. Cette future maman est une jeune sdf, libre et indépendante, aux antipodes de la vie rangée et confortable du couple de futurs papa. Ils vont devoir pourtant s’accorder afin de préparer l’arrivée du bébé.

Beaucoup d’autres sujets sont abordés. Chaque histoire résonne avec une problématique actuelle. Cette parfaite harmonie entre modernité et romance fait de Modern love une belle réussite. Ode à l’Amour dans toutes ces nuances, elle prend le contre-pied des réalisations actuelles plus sombres. Elle redonne au sentiment universel sa place centrale dans un monde qui tend parfois à l’envoyer sur les roses.