FILM

Nous finirons ensemble – Guillaume Canet

Suite très attendue des Petits Mouchoirs, Nous finirons ensemble est-il son digne héritier ?

Le premier opus avec ses 6 millions d’entrées au compteur avait en effet conquis le public qui était ressorti enchanté de cette comédie à la fois drôle et touchante. Ce succès, ainsi que les nombreuses demandes concernant une possible suite, ont conduit Guillaume Canet à réouvrir les portes de la maison du Cap Ferret.

Le film se situe trois ans après le premier. De l’eau a coulé sous les ponts depuis le décès de Ludo qui avait grandement bouleversé le groupe. Les amis ne se réunissent plus comme avant. Max (François Cluzet) déprimé et seul, décide de s’octroyer quelques jours de repos au cabanon loin de tous ses tracas. Ce repos sera de courte durée car la bande débarque, bien décidée à fêter les 60 ans de leur ami. Mais l’amertume des derniers échanges ainsi que les problèmes personnels vont ternir les retrouvailles…


J’ai été conquise par ce second film que j’attendais avec impatience. On retrouve les éléments qui ont fait le succès du premier volet : une alternance maitrisée entre humour et moments de drame, un scénario fluide et centré sur les petits tracas des protagonistes, le retour du casting 5 étoiles des Petits mouchoirs et une bande originale toujours aussi extraordinaire. Néanmoins, Guillaume Canet nous propose un film presque indépendant du premier en s’intéressant à une nouvelle facette de l’amitié et en faisant évoluer ses personnages. Ces derniers sont plus complexes et se révèlent sous un nouveau jour. Max (incarné par un François Cluzet toujours aussi inspiré) qui était à l’origine le ciment du groupe, perd pied et cristallise autour de lui toutes les préoccupations qui étaient dirigées dans le premier opus vers Ludo et son accident. Marie (Marion Cotillard) est devenue la maman d’un petit Nino et peine à assumer ce nouveau rôle, tout comme Eric (Gilles Lelouche) avec sa fille Mila. Vincent (Benoit Magimel) et sa femme Isabelle (Pascale Arbillot) ont chacun beaucoup évolué, contrairement à Antoine (Laurent Lafitte) qui reste toujours aussi naïf. Véronique (Valérie Bonneton) jouit quant à elle, de sa nouvelle liberté.

Les différentes évolutions des protagonistes questionnent la solidité de leur amitié, qui a été quelque peu malmenée durant ces dernières années. Les petits mouchoirs servent toujours autant à cacher les problèmes et les sentiments mais la maturité et l’expérience vont faire cesser ce jeu d’apparences. D’autres problématiques s’ajoutent à cela comme la parentalité ou encore l’émancipation, ce qui participe à inscrire le scénario dans l’air du temps.

Mais la force de Nous finirons ensemble réside, comme pour les Petits Mouchoirs, dans sa profonde humanité. Guillaume Canet s’entoure de ses proches et dessine à travers leurs personnages des portraits de vie très réalistes et auxquels il est facile de s’identifier. La franche camaraderie qui unit le groupe à l’écran et à la vie participe au succès du scénario. La bande d’amis du Cap Ferret incarne l’amitié dans toute sa complexité. Par marrée haute comme par marrée basse, ils finiront bel et bien ensemble.

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FILM

Unicorn Store – Brie Larson

Actuellement à l’affiche de Capitaine Marvel, Brie Larson est également en une de la plateforme Netflix avec son premier film Unicorn Store. L’actrice y incarne Kit, une femme-enfant, qui vit encore chez ses parents, en pyjama arc-en-ciel, entourée de ses peluches Bisounours. Son joli monde coloré va cependant être remis en question, à la suite de son échec au concours d’entrée des Beaux-Arts. Pour ne pas décevoir ses parents, Kit décide de mettre fin à son existence d’enfant et de faire son entrée officielle dans le monde des adultes. Elle trouve un emploi au sein d’une boite de communication et débute sa routine métro-boulot-dodo. Mais un jour, elle reçoit de mystérieuses lettres qui l’invitent à aller au « Store ». Là-bas, elle rencontre « Le Vendeur » (interprété par Samuel. L. Jackson), qui lui propose de réaliser son rêve ultime : avoir une licorne domestique. Mais cette acquisition n’est pas sans prérequis : Kit doit lui construire un abri, et l’accueillir dans un cadre bienveillant et rempli d’amour.


Derrière un scénario assez fantaisiste, Unicorn Store cache une réelle profondeur. A travers le personnage de Kit, Brie Larson questionne en effet la place de la créativité au sein de notre monde moderne, où les aspirateurs ont remplacé les balais des sorcières et où les licornes sont commercialisées dans les magasins. Cette réflexion est portée par l’esthétique du film qui propose une dichotomie entre le monde monotone des adultes et l’univers multicolore de Kit, qui apporte une certaine poésie à la mise en scène. La jeune femme par sa créativité à toute épreuve incarne l’anti-conformisme, qui lutte contre la neutralité et l’insipidité.

Ce conte dépeint également le passage à l’âge adulte. L’acquisition d’une licorne devient paradoxalement le moteur de l’évolution vers la maturité. En effet, Kit doit prouver sa stabilité afin de l’obtenir, en cochant les différentes étapes comme devenir responsable, se socialibiser ou encore faire des projets. Contrairement à certains récits initiatiques, Unicorn Store dépeint cette transition avec douceur et fluidité, et est pour cette raison, très agréable à regarder. A travers son personnage, Brie Larson établit le portrait d’une génération d’adultes qui ne veut pas grandir, et que la sociologie a catégorisé sous le nom de « Millennials » (nés entre 1980 et 1999). Mais la réalisatrice, loin d’en faire la critique, invite à penser que cette dernière puise sa force dans sa créativité et sa capacité à allier le café et les paillettes.

 

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Disponible sur Netflix

FILM

At Eternity’s Gate – Julian Shnabel

Les peintures de Van Gogh, contrairement à l’époque de leur création, ont aujourd’hui tout l’intérêt du public. Les expositions et musées autour de l’oeuvre de l’artiste se multiplient (une nouvelle exposition « La nuit étoilée » vient par ailleurs d’ouvrir ses portes à l’Atelier des Lumières à Lyon). Mais au delà de la simple création, c’est Van Gogh lui même qui fascine, par son mystère et son rapport très personnel à la peinture.

Julian Shnabel, à qui l’on doit notamment le bouleversant Le Scaphandre et le Papillon, a choisi de sonder cette personnalité complexe. At Eternity’s gate, se concentre sur les dernières années du peintre à Arles puis à St-Rémy de Provence.  Van Gogh est campé par l’excellent Willem Dafoe, qui se révèle très convaincant par sa ressemblance physique avec le peintre, et souligne à la perfection toute sa sensibilité. Son jeu lui a d’ailleurs valu une nomination aux Oscars 2019 dans la catégorie « Meilleur acteur ».

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La mise en scène est originale et assez innovante pour le genre du biopic. Le réalisateur souhaitait être au plus près de l’artiste. Cette proximité est portée par le choix de la caméra épaule et des effets de couleurs qui retranscrivent la perception du peintre (l’utilisation du flou durant son séjour à l’asile par exemple). Cette approche trouve également son intérêt dans l’introspection qui est centrale dans le film. Elle est manifeste dans les dialogues, qui bien que parfois un peu surfaits, restent très passionnés.

Néanmoins, en dépit de ces dialogues, le film reste majoritairement contemplatif. Les  scènes de nature sont omniprésentes et se mettent au service de l’idée d’éternité qui ponctue la création du peintre. Ce dernier est seul, incompris par l’humanité mais en phase avec la nature. Il voit en elle, une oeuvre divine, de laquelle il tire l’essence même de sa peinture. Il veut parler au sens, et s’oublier en tant qu’être. Cette ode à la beauté du Sud de la France, est sensible et esthétiquement très réussie. Cependant, certaines scènes par leur longueur peuvent parfois frôler l’ennui.

Pour autant, Eternity’s Gate reste agréable à regarder. Son approche est originale, et en fait un biopic poétique. C’est une osmose réussie entre la peinture et le cinéma qui se rejoignent dans la volonté de Van Gogh « de montrer à mes frères humains ce que je vois ».

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Disponible sur Netflix