EXPO

Frida as suas fotografias

Aux détours des ruelles animées de Porto, je suis tombée par hasard sur le « Centre portugais de la Photographie ». Ancienne prison, cet édifice, un peu austère au premier abord, est depuis 1997 un lieu dédié à la photographie.

Sur ces murs de brique, une affiche rose et le visage de Frida Kahlo.

Frida Kahlo est mondialement connue comme l’artiste mexicaine emblématique du XXe siècle. Sa vie et son oeuvre l’ont rendu fascinante. Ses créations, souvent surréalistes (bien que l’artiste ne se reconnaissait pas dans ce mouvement), restent ancrées dans l’art traditionnel mexicain. Son accident, [suite à une collision entre un tramway et le bus dans lequel se trouve la jeune Frida, une barre transperce à de multiples reprises son corps et brise sa colonne vertébrale ainsi que son col du fémur] sera l’élément déclencheur de sa peinture, seule planche de salut pour l’artiste. Ce drame restera au coeur de son inspiration et se lira à des réflexions plus profondes comme la féminité, la souffrance ou encore la marginalité. Ces dernières contribueront à faire de Frida une représentante de la pensée féministe. Aujourd’hui encore les féministes reconnaissent Frida comme telle.  L’artiste a également milité pour la cause des Femmes au Mexique.


Aujourd’hui icône internationale, Frida Kahlo garde pourtant une part de mystère. Bien que ses peintures soient immensément connues, son rapport à la photographie reste, lui, plus secret.  Je ne connaissais pour ma part que partiellement son oeuvre et ignorais tout de ses talents de photographe.

Frida était passionnée de photographie, passion qu’elle doit à son père Guillermo Kahlo, photographe germano-mexicain, qui la photographiera dès son plus jeune âge. Tout le long de sa vie elle accumulera de nombreuses photographies (plus de 6000!). A sa mort, Diego Riviera, son mari, donnera leur maison la « Casa Azul » à la ville de Mexico afin d’y ériger l’actuel musée Frida Kahlo. Diego gardera pour lui de nombreux documents, peintures et photographies Avant sa mort, il demandera à son amie Lola Odelmo d’attendre cinquante ans avant de rendre publiques ces archives.


Cette exposition était constituée de 241 photographies prises par Frida mais aussi par son père et des artistes de renom comme Man Ray, Pierre Verger ou encore Edward Weston, amis de la jeune femme. Elles traversent différentes périodes marquantes de la vie de Kahlo : sa naissance , la période « Casa Azul », en passant par son accident. L’intimité de l’artiste en noir et blanc.

Les photos révèlent une femme aussi à l’aise devant que derrière l’appareil. Frida n’hésite pas à se montrer alitée, parfois même appareillée médicalement. Pourtant sur certaines photos [voir ci dessous] son immobilité de convalescente se mêle à la lascivité voire à la sensualité. Son corps semble dépasser la souffrance, se révéler, se dénuder. Frida écrira sur la photographie : « Je sais que le champs de bataille de la souffrance se reflétait dans mes yeux. Depuis, j’ai commencé à regarder dans la lentille sans faire un clin d’oeil, sans sourire, déterminée à prouver que je serais une guerrière jusqu’à la fin » 

La photographie est aussi le moyen pour l’artiste de garder des souvenirs. La période « Casa Azul » la montre entourée de ses proches. Elle conserve de nombreuses photos de sa famille, de son père, de sa mère et ainsi que de sa soeur. Mais son mari, Diego Riviera, reste central dans sa production photographique. Fascinée par cet homme, Frida vivra une relation passionnelle et non exclusive avec lui. Ils deviendront rapidement un couple mythique. La photo est aussi celle des personnes aimées. De ses proches amis à ses multiples amours, Frida photographie son entourage. Une manière de s’entourer ? Peut-être. Elle qui connaissait plus que quiconque la solitude.

L’artiste collectionnait également de nombreuses photos de Mexico, de son histoire et de sa population. Son attachement profond pour cette ville est celui d’une artiste mais aussi d’une femme engagée. Elle déplore amèrement les changements occasionnés, notamment par les Etats-Unis. « Le Mexique [dit-elle] c’est un désordre de tous les diables, il ne lui reste rien de l’immense beauté de la terre et des indiens. Chaque jour, les sales Etats-Unis lui en volent un petit bout, c’est bien triste, mais les gens ont besoin de manger, alors c’est comme ça , le grand poisson dévore le plus petit ». Elle s’inscrira très vite au parti communiste mexicain, et se rapprochera de Léon Trotsky, à qui elle offrira l’asile politique.


A travers cette exposition, j’ai découvert une Frida Kahlo moins dure que dans ses peintures, bien qu’elle garde souvent cette même expression figée que l’on retrouve dans ses autoportraits. Elle se révèle sous une beauté totalement différente. Sa souffrance reste exposée à nos yeux, sans pudeur aucune, presque extériorisée par la photographie. Mais contrairement à la peinture, cette dernière est contrebalancée par des moments plus apaisés et heureux. Son rapport intime à la photographie, qui se sent à travers ses écrits au dos des photos ou encore dans ses amours capturés, laisse entrevoir une femme du côté de la vie et non de celui la mort, qu’elle a pourtant souvent placé au centre de son existence.

 


 

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